Haïti : l’ONU veut rétablir sa présence complète à Port-au-Prince avant la fin de l’année

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Alors que la violence continue de ravager la capitale haïtienne et que la transition politique s’enlise, l’ONU s’apprête à redéployer l’ensemble de son personnel à Port-au-Prince d’ici la fin de l’année. Un bureau d’appui à la nouvelle Force de répression des gangs devrait, lui, être opérationnel d’ici le 31 mars 2026.

Au siège des Nations Unies, à New York, Carlos Ruiz Massieu semble déterminé à renouer avec une forte présence onusienne en Haïti. « Nous devons être sur le terrain pour remplir notre mandat », déclare le principal envoyé de l’organisation dans le pays, fraîchement revenu de Port-au-Prince, où la situation demeure explosive. Devant les journalistes, il évoque un pays frappé par une « crise aux facettes multiples », de la violence des gangs à la faim, en passant par l’inertie de la transition politique.

Carlos Ruiz Massieu, Représentant spécial du Secrétaire général pour Haïti et Chef du Bureau intégré des Nations Unies dans le pays (BINUH), au Conseil de sécurité de l'ONU, le 22 octobre 2025.

UN Photo/Eskinder Debebe/Loey Filipe

Carlos Ruiz Massieu, Représentant spécial du Secrétaire général pour Haïti et Chef du Bureau intégré des Nations Unies dans le pays (BINUH), au Conseil de sécurité de l’ONU, le 22 octobre 2025.

Depuis deux ans, le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH), censé soutenir la stabilité politique du pays, conseiller les autorités en matière de sécurité et promouvoir les droits humains, n’opère plus qu’à effectif réduit. « La mission a dû être évacuée deux fois », rappelle le diplomate d’origine mexicaine, qui a pris la tête du bureau au mois d’août. En cause : l’insécurité chronique, les enlèvements, les tirs dans les rues et la fermeture de plusieurs axes. 

« Lorsque je suis arrivé, le nombre total de personnels internationaux sur place était de dix-sept », confie-t-il. Mais il promet désormais une montée en puissance rapide : 75 % du personnel international seront de retour début novembre, et la totalité avant la fin de l’année.

Ce redéploiement logistique – rendu possible grâce à des accords d’évacuation avec la République dominicaine voisine et à la mise à disposition d’hélicoptères – symbolise, pour l’organisation, un retour dans la mêlée. « Dans le cas de l’ONU, nous devons être là pour remplir notre mission », insiste M. Ruiz Massieu. 

Car le calendrier politique, lui, ne laisse aucun répit.

Une transition politique suspendue à un fil

Les électeurs haïtiens n’ont pas pris le chemin des urnes depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse, en juillet 2021. Depuis l’an dernier, le pays est dirigé par un Conseil présidentiel de transition, chargé d’organiser des élections générales d’ici le 7 février 2026, date butoir pour la remise du pouvoir à des dirigeants élus. D’ici là, Haïti oscille entre l’effondrement de ses institutions et la montée en puissance des gangs armés, qui contrôlent plus de 80 % de sa capitale et étendent progressivement leur emprise sur le reste du territoire.

Sur la question du futur scrutin, M. Ruiz Massieu ne se berce pas d’illusions : « Si les conditions ne permettent pas la tenue d’élections avant le 7 février, il faudra trouver un arrangement pour éviter un vide politique ». Derrière ce langage mesuré, un constat : aucun signe concret de préparation électorale n’est visible, et la classe politique haïtienne demeure profondément divisée.

« Le compte à rebours est enclenché », répète-t-il, reprenant les mots qu’il avait adressés au Conseil de sécurité la veille. Son avertissement vise tout autant les autorités de transition que les partenaires étrangers, sommés de maintenir leur engagement.

Des milliers de personnes ont été tuées en Haïti, en raison de la violence des gangs armés.

© UNOCHA/Giles Clarke

Des milliers de personnes ont été tuées en Haïti, en raison de la violence des gangs armés.

Ouverture d’un second bureau de l’ONU

Pendant ce temps, les gangs continuent de prospérer. « Nous avons signalé une intensification des activités dans [les départements de] l’Artibonite, le Centre et le Nord-Ouest », alerte le représentant de l’ONU. Plus de 16 000 morts depuis 2022, 1,4 million de déplacés, des quartiers entiers abandonnés : les chiffres disent, à eux seuls, la faillite de l’État de droit.

Dans cette situation « désespérée », beaucoup misent désormais sur la nouvelle Force de répression des gangs (FRG), forte de 5 550 soldats et policiers. Cette mission multinationale non onusienne, approuvée fin septembre par le Conseil de sécurité, sera épaulée sur les plans logistique et financier par un nouveau Bureau d’appui des Nations Unies en Haïti (BANUH). Selon M. Ruiz Massieu, ce dernier devra être opérationnel d’ici le 31 mars 2026, avant un déploiement complet de la FRG « quelques mois plus tard ».

Une présence onusienne sous tension

Interrogé sur l’usage de drones explosifs dits « kamikazes » par les forces gouvernementales, il n’esquive pas. « Nous avons déjà signalé ces incidents et conseillé les autorités sur les risques élevés d’atteintes à la population », explique-t-il. « Les autorités haïtiennes ont l’obligation de respecter les normes des droits humains ». Plusieurs enfants auraient été tués lors d’attaques menées contre des positions de gangs. L’envoyé onusien appelle à renforcer la formation des forces de sécurité « pour qu’elles évitent les erreurs du passé ».

Pour Carlos Ruiz Massieu, le retour des effectifs internationaux du BINUH à Port-au-Prince relève moins d’un acte de bravoure que d’une nécessité politique. L’organisation, affaiblie par des années de retrait et d’hostilité populaire, tente de restaurer sa crédibilité. « Nous devons tout faire pour aider les Haïtiens à éviter un vide politique », insiste-t-il.

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